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UNE NUIT DANS LA CITÉ DE LONDRES.

fifre en désaccord, je me suis figuré voir déboucher par la poterne au lieu de défenseurs héroïques, un ours blanc apprivoisé suivi de son bateleur.

Rien ne sortit, nous continuâmes ; et plus loin, les hauts-fourneaux des environs répandant par torrents une flamme cramoisie et éclairant d’une lueur d’incendie les toits de la ville au milieu du brouillard, lui rendirent son véritable et légitime aspect, celui de la paix et de l’industrie.

Le lendemain nous étions transportés à Bangor, qui est, vous savez, le lieu de jonction de l’Angleterre et de l’île d’Anglesey, grâce au pont tubulaire élevé là par Robert Stephenson. Depuis Chester, le chemin de fer côtoie presque constamment le bord de la mer, pendant que sur la rive de l’autre côté se déploient des montagnes boisées semées de châteaux et d’habitations plus pittoresques les unes que les autres. Je ne veux point entrer dans les détails, vous nommer les propriétaires et me transformer sans nécessité en guide des voyageurs, je ne vous citerai en passant que la petite ville de Conway, à l’embouchure du Conway, parce que grâce à ses fortifications et à son château en ruines (qu’elle devrait bien relever en souvenir d’Édouard Ier ou en faveur de Cromwell), elle a un aspect assez militaire. Ne pouvant laisser échapper l’occasion de déployer ici mes connaissances historiques, je vous rappellerai que le premier de ces deux personnages a bâti le château fort, et que le second s’en est emparé.

Eh bien, ces tours s’en vont rejoindre sous terre leur fondateur et leur vainqueur, et tout porte à croire que dans quelques années ces pauvres fortifications fourniront les matériaux d’une gare ou d’un club national !

Le pont de Bangor est certainement une des constructions les plus étranges et le résultat d’une des idées les plus extraordinaires qu’on puisse imaginer. Figurez-vous un immense tube en fer forgé à cent trente pieds au-dessus de l’eau, sur une longueur de quinze cents ; trois massifs de maçonnerie gigantesques soutiennent cette sarbacane d’un nouveau modèle, et les deux extrémités s’appuyent sur un viaduc immense. Indépendamment de la pensée assez originale par elle-même, les dimensions énormes de ce pont bouleversent les notions qu’on peut se faire des forces humaines. Vous vous êtes étonné comme moi à Bàalbek, devant ces pierres colossales transportées en haut du temple du So-