Page:Delessert - Une nuit dans la cité de Londres.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
UNE NUIT DANS LA CITÉ DE LONDRES.

maisons à douze étages, adossées contre la montagne ; aussi je vais vous emmener avec moi d’Édimbourg et vous conduire sur les bords du Forth, à dix lieues environ, au terme de mon voyage, c’est-à-dire chez des amis de ma famille.

La route, depuis Édimbourg par le chemin de fer, traverse les plus belles prairies, des bois d’un vert foncé, des ruisseaux d’eau courante, des villages et des cottages riches et heureux ; bref, ce qu’on voit dans presque toute l’Angleterre, lorsqu’on se contente de l’apparence extérieure.

De temps en temps un château se détache en gris sur des massifs d’arbres immenses et séculaires, ou bien de grandes cheminées agglomérées en un point vomissent des torrents de fumée noire qui obscurcissent le pauvre ciel à l’entour. Ici c’est la propriété de lord ***, qui est mort à la bataille de Trafalgar ; là, celle d’un autre qui, à la bataille de Waterloo, a perdu l’usage de la raison, personne n’a pu me dire si la perte fut grande ; plus loin encore, l’immense domaine d’un des héritiers du plus vieux nom d’Écosse.

Le château de T***, où nous nous rendions, est situé sur le bras de mer dont je vous ai parlé ; il est à une portée de carabine des bords de l’eau ; c’est une grande construction en pierres grises, conçue dans ce style anglais qu’on retrouve souvent chez nous maintenant, quand nos propriétaires veulent faire croire à une grande fortune et à des revenus au-dessus de la réalité ; deux tourelles imitant le moyen âge, et percées de meurtrières de fantaisie, encadrent le péristyle de l’habitation, et au-dessus de la porte qui pourrait précéder un pont-levis et des fossés, des fenêtres en ogives étalent leurs carreaux brillants et lustrés. Des créneaux entourent, de tous les côtés, le château construit régulièrement avec un corps de bâtiment principal et deux ailes, et le tout placé au milieu de la plus riche végétation et des plus riants parterres, respire un air de tranquillité et de confort qui repose la vue. Dans la véritable existence des Anglais, on les voit bons et hospitaliers, faciles à vivre, aimables, désireux de vous faire partager le bien-être dont ils jouissent. La nature elle-même semble prendre soin de seconder leurs efforts pour rendre agréable et séduisant le séjour dans leur maison, car les plantes dévorent avec avidité les premiers rayons de soleil du printemps pour être belles quand les châtelains vont arriver, les fleurs s’épanouis-