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UNE NUIT
DANS LA
CITÉ DE LONDRES




Mon cher ami,

Je ne sais comment aborder le récit de ma rapide excursion en Angleterre et en Écosse. On voyage si vite et l’homme abdique tellement sa qualité d’homme pour se transformer en colis que les impressions n’ont pas le temps de se formuler ; les émotions se succèdent dans l’esprit avec cette rapidité que met le paysage à fuir de chaque côté de la locomotive. C’est là l’inconvénient des moyens de transport perfectionnés, et plus d’une fois, je vous assure, je me suis surpris à regretter, dans le peu de coins sauvages traversés par la machine et moi, nos pauvres chevaux arabes, que vous connaissez bien, et ces longues journées du désert, si courtes pour la distance parcourue, commencées avec le lever du soleil et terminées à son coucher. C’est par un effort de reconnaissance pour les Anglais que je nomme le soleil, autre contraste avec les beaux pays d’où nous avons rapporté l’un et l’autre tant de souvenirs ; car il n’est vraiment, en Angleterre, que le moyen terme entre la lune et l’obscurité.

Il faut excuser d’ailleurs ce pauvre astre, incompris de nos voisins, en songeant à tout ce qu’il doit traverser de brouillards pour arriver jusqu’aux mortels insouciants de lui, dans ce pays où, s’il le fallait, on inventerait une lumière équivalente, de la force d’un nombre de chevaux