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heure de sommeil aidait à l’oubli. Quelque-fois, s’éveillant en sursaut, Anna revivait pendant `un instant sa vie d’autrefois ; il lui semblait être couchée avec sa grand’mère dans la chambre obscure ; elle se rendormait bientôt et, au matin, la réalité effaçait les sensations de la nuit. Ainsi s’évanouit le peu de nostalgie éprouvée durant les premiers jours, et Annicca redevint ce qu’elle était auparavant, une fillette enjouée, d’une gaieté non bruyante mais souvent spirituelle. Elle ne rougissait plus quand on lui adressait la parole ; elle ne se confondait plus en remerciements ; elle prenait paisiblement sa place bien distincte entre les dix ans de Caterina et les seize ans des jumelles.

À l’église, les sons de l’orgue et les rites liturgiques ne l’étonnaient plus, les dames ne l’intimidaient pas comme le premier jour. Tout au plus continuaient-elles à la scandaliser par leur maintien, qui, pendant les cérémonies de la semaine-sainte, fut plus inconvenant que jamais. Ce n’était pas le deuil de ce temps solennel ; au contraire, un frémissement de satisfaction passait dans la foule. On se poussait, on bavardait et on riait ; les messieurs et les officiers se mêlaient aux dames, et certaine-