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LES FABLES


LE CHEVAL ET LE LOUP (V, 8).


Même sujet largement raconté par Guil. Tardif ; au lieu du cheval, c’est l'âne qui est mis en scène.

« Ung asne passoit un jour au champ, et par sa jeunesse et joyeuseté voulut saulter par sur une haye d’espines pour entrer dedans ung jardin et avoir plus grosse pasture. Mais, en saultant, il se mist un estoc pointu dedans le pié, qui le poignit si asprement qu’il ne povoit plus aller et fust contraint de clochier. Et, ainsi qu’il desconfortoit a par luy il avisa ung loup qui venoit vers luy, auquel il dit : « A, loup, mon amy, je meurs de douleur et angoisse que je souffre. Je scay bien que suis viande presque appareillee pour toy, pour les vaultours ou pour les corbins. Touttefois, avant que je meure, je te prie, ne me escondis pas une requeste, laquelle je te vueil présentement faire. Tire moy la pointe d’un estoc pointu qui m’est entré dedans le pié, afin que je puisse mourir plus aise sans endurer la paine et le tourment de la pointure de l’estoc. » Le loup, qui contre sa nature voulut exercer euvre de pitié et de charité et soy mesler de médecine, dit a l’asne qu’il levast le pié de derrière en hault, ce que fist le dist asne. Lors le loup se agenouilla et le plus doulcement qu’il peut, empoigna avec les dents le dict estoc et le tyra hors du pié au dit asne. L’asne, qui la douleur de la pointure plus ne sentoit, se avisa qu’il recompenseroit son médecin et le paieroit de son salaire,