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DE LA FONTAINE

Pour avoir pris des autres le plumage,
Qui, se trouvant vestu de leur panage.
En un banquet de mille oiseaux divers,
Le pelaudantz a tort et a travers,
Tous d’un accort bien tost le déplumerent,
Et chacun d’eux leurs plumes remporterent :
Ce que pensant en moy, j’ay fait serment
De ne changer jamais mon vestement.

(Vauq. de La Fresnaye, Sat. Françaises, l, 216, Travers.)


« Parmy les fables des anciens poetes j’ay leu qu’une corneille se voyant esclose toute nue et sortie de la cocque sans plumes, eut tant de honte qu’elle s’en alla emprunter les plus belles plumes de chaque oyseau qu’elle peut rencontrer en particulier ; mais la malheureuse oubliant sa naturelle nudité, se mira dans toutes ces despouilles estrangeres avec tant de complaisance et de vanité, que l’orgueil luy enflant le courage, mesprisa tost après les parures naturelles des autres oyseaux du ciel. Et ceux-cy la voyant glorieusement piaffer, resolurent de punir sa temerité, et un chacun reprenant ses plumes, elle demeura toute nue, et avec la même laideur et turpitude qu’elle avoit en sa naissance ».

L’auteur de cette fable ainsi arrangée à sa mode tire cette moralité ; « Une femme mondaine est proprement une corneille, qui s’en va piaffant, entretenant ses vanités avec des plumes