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LES FABLES
LA CHATTE MÉTAMORPHOSÉE EN FEMME (II, 18).


Cet apologue est ainsi raconté par Guillaume Tardif, qui ne fait que traduire, librement, à sa manière, Laurent Valla.

« Ung jeune jouvenceau, de esquise forme et speciosité, avait en sa maison entre autres choses une très belle et plaisante chate. Iceluy jouvenceau, considérant la beauté de la dicte chate, disoit à soy mesmes : « Je vouldroye que j’eusse une aussi belle femme que tu es belle chate, » et luy estant en ceste penser et ardeur de luxure, fist une prière a la déesse Venus, mère de Cupido. dieu d"Amors, qu’il lui pleust muer sa dicte chate en une belle jeune pucelle affin qu’il peust avoir sa compaignie et estaindre l’ardeur dessus dicte. La déesse eut pitié de lui et exaulsa sa prière en muant la dicte chate en une très belle et bien formée pucelle, et ce fait, le dict jouvenceau, rempli du feu de charnelle concupiscence pour raison de la beaulté de la pucelle nouvellement transformée, print icelle pucelle, et la mena en sa chambre pour en faire son plaisir. La dessus dicte déesse Venus, voulant esprouver se la dicte chate avoit mué ses mœurs et conditions en la dessus dicte transformation et mutation corporelle, layssa aller une souris au milieu de la chambre en laquelle le dit jouvenceau et pucelle estoient conchées, et tantost la dicte pucelle, non recordant de sa mutation, de son amy et de ceux qu'estoient presens se leva soudainement du lit et se prit a cliacer et pour-