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exclue ; il n’y a pas d’acte qui n’ait sa raison : la liberté véritable, c'est à son degré le plus élevé, le désir résultant de la connaissance rationnelle, ce qu’on peut appeler la volonté pure[1]. Aux lumières de l'intelligence notre volonté doit d’être bonne, comme notre conscience d’être droite. « Le moyen de décider si notre conscience est droite ou non, c’est la démonstration[2]. » Le jugement de la conscience ne peut être fondé en raison que par l’intermédiaire du savoir. La science morale détermine la moralité.

Les formules elles définitions de ce dogmatisme rationaliste introduisirent dans la philosophie pratique, à côté de distinctions laborieusement subtiles et vaines, quelques distinctions pénétrantes et fécondes. Telle fut surtout la distinction de la morale et du droit naturel, parlant de la moralité et de la légalité, qui, indiquée chez Wolff, mais imparfaitement, fut reprise avec plus de précision par Baumgarten. En tout cas, ce rigorisme logique qui poursuivait autant que possible dans le détail la déduction des devoirs eut pour effet le plus apparent à cette époque un certain rigorisme moral. Il était sans doute trop dépourvu de hautes inspirations spéculatives pour empêcher de se développer en lui-même cette téléologie superficielle qui tournait aisément à l’utilitarisme pratique : il avait du moins le mérite de maintenir contre l’indulgence extrême des mœurs du temps les significations élevées de l’individualisme et de l’eudémonisme.

Mais l’essentielle nouveauté de l’œuvre de Wolff était dans la constitution complète et méthodique d’une doctrine ne relevant que de la raison et pouvant suffire à la conduite de la vie ; et ce fut cette nouveauté qui ne pouvait manquer de paraître subversive. A Halle, où Wolff avait été appelé dès 1706 comme professeur, grâce à la protection de Leibniz, il ne tarda pas à attirer un nombre considérable d’étu-

  1. Cf. Baumgarten, Metaphysica, § 692, p. 264.
  2. Vernünftige Gedanken von Gott der Menschen Thun und Lassen, § 94, p. 56.