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son avec la foi ne paraît réserver pleinement le rôle de la foi qu’à la condition de reconnaître expressément les limites de la raison humaine. En fait, Leibniz les reconnaissait, et après lui, Wolff était tout disposé par son éducation profondément chrétienne à les reconnaître. Seulement chez Leibniz la reconnaissance de ces limites était liée à l’idée ou au sentiment de ce que l’ordre des vérités supérieures au principe de contradiction enveloppe d’infini ; chez Wolff, au contraire, la tendance à tout enfermer dans des formules logiques, qui se traduisait notamment par la réduction du principe de raison suffisante au principe de contradiction, rendait plus arbitraire sa conception du rôle de la foi et semblait exiger, sur la question des miracles et de la révélation, une application plus étroite des critères du rationalisme. Effectivement, les conditions auxquelles il soumet la vérification du surnaturel sont si strictement définies, qu’elles en restreignent singulièrement la réalité ou la possibilité. Dieu, selon Wolff, ne révèle rien de ce qui peut être connu par la raison : il faut donc établir tout d’abord que l’homme n’aurait pu par les voies naturelles arriver aux connaissances qu’il reçoit sous la forme de la révélation divine. Comme Dieu ne peut vouloir que ce qui est conforme à ses perfections, rien de ce qui leur est contraire ne peut être tenu pour révélé. Comme il est par son entendement la source de toutes les vérités et qu’il ne peut rien produire qui les démente, une révélation authentique ne doit rien contenir qui soit en opposition avec les vérités rationnelles. Même la révélation divine de la morale ne saurait enchaîner l’homme à ce qui contredit les lois de la nature ou l’essence immuable de l'âme. Enfin, pour arriver jusqu’à l’homme, la révélation ne doit pas plus bouleverser les règles et les habitudes du langage que les forces naturelles : elle doit être, comme le reconnaissent les théologiens, appropriée à l’état d’esprit et aux façons ordinaires de ceux qui la reçoivent. C’est qu’en effet, si le miracle reste possible en général, le miracle inutile est moralement impossible ; un monde où tout arriverait