et il va droit contre tout ce qui lui paraît une menace pour la foi. Plus instruit, plus habile à discuter, plus passionné aussi, Joachim Lange a contracté dans la lutte contre la tyrannie orthodoxe une vigueur militante qui, de défensive, ne demande qu’à devenir offensive contre de nouveaux ennemis. Le rationalisme était là, qui, par son autorité grandissante, semblait confondre l'indifférence soupçonneuse du piétisme à l’égard de tout ce qui était l’expansion de la vie naturelle et de la simple intelligence humaine : plus que les malentendus et les rivalités des personnes, la logique de leurs principes respectifs devait mettre le piétisme et le rationalisme aux prises.
* *
C’est de Leibniz que dérive le rationalisme allemand[1] ;
c’est la pensée leibnizienne qui a mis fin à l’empire exercé
dans les universités de l’Allemagne par cet aristotélisme
très voisin encore de la scolastique, que Mélanchthon avait
accommodé à la Réforme et qui était devenu le fondement de la
dogmatique protestante. Pourtant l’action personnelle de
Leibniz ne fut pas très étendue. N'appartenant à aucune université,
il ne disposait pas de ce moyen de propagande que peut
être l’enseignement public : il produisait ses idées surtout par
occasion, préoccupé de les faire approuver principalement
de ceux qui, en quelque pays que ce fût, possédaient une autorité
soit intellectuelle, soit religieuse, soit politique. Il aimait
à faire entrevoir la richesse de sa philosophie ; il ne la livra
- ↑ J.-E. Erdmann, Versuch einer wissenschaftlichen Darstellung der Gesischte der neuern Philosophie, II, 2, 1842, pp. 11-173 ; 249-393 ; Grundriss der Gesischte der Philosophie, II, 1866, pp. 145-212, 243- 269. — Ed. Zeller, Geschichte der deutschen Philosophie seit Leibniz, 2e éd., 1875, p. 69-314 — Tholuck, op. cit., I, p. 92-147. — Julian Schmidt, op. cit., passim. — Biedermann, op. cit., II, pp. 207-268, 346-478. — Hettner, op. cit., III, p. 217-260, IV, pp. 3-66, 176-202, 585-617. — Chr. Bartholmèss, Histoire philosophique de l’académie de Prusse depuis Leibniz jusqu’à Schelling, 2 vol., 1850-1851, t. I, p. 99-118. — Lévy-Bruhl, op. cit., p. 34-70.