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niquer leurs expériences religieuses, se porter les unes les autres, par la prière, par des entretiens spirituels, par des commentaires de la Bible, à la sanctification de leurs âmes. Ainsi le pouvoir de prononcer les paroles de vie n’était plus un privilège et ne résultait plus d’une investiture extérieure ; il revenait à quiconque avait senti la régénération s'opérer en lui. La fonction de l’enseignement religieux devait surtout s’accomplir en toute simplicité, avec une familiarité cordiale, dépouillée de tout apparat. Spener essayait par là de réaliser ce qui avait été le vœu de Calixte : « Qu’à la façon dont Socrate avait fait descendre la philosophie du ciel sur la terre, la théologie fût, elle aussi, ramenée des spéculations et des subtilités inutiles pour montrer dans les doctrines nécessaires au salut la voie de l’esprit et de la sanctification[1] ». Il ne séparait pas d’ailleurs en l’homme la rénovation morale de la rénovation religieuse : en même temps qu’il affirmait l’égalité de la loi morale pour tous, il en étendait l’autorité à bon nombre d’actes que l’Eglise considérait comme indifférents : il condamnait le théâtre, la danse, la musique, les réunions mondaines : il interprétait les obligations pratiques dans un sens rigoriste, afin d’égaler l'une à l’autre l’intériorité de la foi et la pureté du cœur. En relâchant les liens qu’avait la croyance religieuse avec la théologie dogmatique, il consolidait d’autant ou il renouait ceux qui la rattachaient à l’activité morale : il fournissait pour l’estimation de la conduite des critères plus directs, plus proches de ceux auxquels a recours, lorsqu'elle juge en toute spontanéité et en toute indépendance, la conscience commune : sous la garantie de la foi et de la loi chrétiennes, il développait le sentiment de la personnalité : mais il prévenait d’autre part le pur individualisme en matière morale et religieuse parle soin qu’il mettait à faire de la notion du péché une pensée toujours présente, à rappeler constam-

  1. Einleitung zu den Acten des Thorner Religionsgesprächs. dans Biedermann, op. cit., II, p. 316.