Page:Delbos - La Philosophie pratique de Kant.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

matique que doit appartenir le rôle principal. Spener estimait qu’il ne fallait pas prodiguer les accusations d’hérésie ; il ne partageait pas la sévérité de ses coreligionnaires pour Jacob Bœhme et les autres mystiques : il mettait si peu les réformés hors de la vraie foi qu’il se sentait plutôt porté, lui et ses disciples, à s’unir avec eux. Il avait une science théologique suffisante pour que sa critique de la théologie ordinaire ne fut pas soupçonnée d’incompétence : mais il croyait que le développement de la vie intérieure relève d’une autre compétence que celle qui s’acquiert par la lecture des livres savants : il recommandait avant tout la lecture des livres saints, l’étude directe de la Bible : d’où la création de ces Collegia philobiblica destinés d’abord à bien marquer la suprématie de l’Écriture sur les livres symboliques que l’Église luthérienne avait mis au même rang, ensuite à rapprocher autant que possible les fidèles et les théologiens d’école. A toute construction théologique Spener préférait l’édification d’un christianisme agissant, étranger aux complications artificielles de doctrines, d’un christianisme dont chacun pouvait légitimement s’instituer le docteur, du seul droit de sa piété. Il pensait que la réforme de Luther, en ce qui concerne les mœurs et la vie, était restée incomplète, que l’idéal était de conformer l'Église au modèle de la primitive communauté chrétienne. Mais caractère calme et avisé autant qu’esprit ardent, il sentait le danger de prêter à sa tentative l’apparence d’une révolution ; il voulait moins toucher à l’Eglise luthérienne que créer en elle des foyers de foi dont la lumière et la chaleur ranimeraient graduellement les parties languissantes du grand corps. En fondant les Collegia piatatis, qui étaient comme de petites églises dans l’Église, il portait avec beaucoup de mesure une atteinte grave à l’autorité des théologiens enseignants, contre lesquels il restaurait le principe luthérien du sacerdoce universel. Dans ces collèges se réunissaient, sans distinction d’âge. de savoir, de condition sociale, des personnes animées d’une même ferveur, pour se commu-