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controverses doctrinales qu’il ne cesse de susciter, ferait souvent meilleure figure devant ses adversaires, s’il n’avait été enfermé par beaucoup de ses partisans dans des expressions schématiques courantes, simplifiées à l’excès. On le préserve de ces simplifications en sachant comment il a évolué.

Il est naturel que j’aie dû m’appliquer avant tout à exposer et à analyser dans leur ordre chronologique les œuvres de Kant, selon qu’elles se rapportent à la philosophie pratique. Mais je ne pouvais omettre non plus les travaux de toute sorte qui ont paru sur Kant avec une si prodigieuse abondance. Assurément, à considérer l’ensemble de ces travaux, ces gros volumes et ces petites dissertations, ces articles de toute étendue publiés dans les plus diverses revues, tout ce qui forme à l'heure actuelle la bibliographie kantienne, on ne peut que trouver de saison, plus que jamais, l’épigramme dirigée déjà par Schiller contre les interprètes de Kant :

Wie doch ein einziger Reicher so viele Bettler in Nahrung
Setz ! Wenn die Könige baun, haben die Kärrner zu thun.

« Que de mendiants tout de même un seul riche nourrit ! Quand les rois bâtissent, les charretiers ont à faire. » Parmi les auteurs de ces travaux, il en est en effet plus d’un qui a dû se faire manœuvre par indigence d’esprit, et qui a cru sa besogne importante, uniquement parce qu’elle touchait à un grand édifice. Ce n’est pas une raison pour condamner sommairement en pareille matière l’érudition de détail : le tout est de faire le départ entre la minutie vaine, qui perd dans des discussions verbales tout sentiment philosophique de la pensée d’un philosophe, et la rigueur d’analyse qui peut, sinon faire naître, du moins entretenir et fortifier un tel sentiment : par quoi pourrait-on mesurer l’originalité et