sante à se réaliser telle quelle, a dû céder son rôle à ce qui est d’une essence contraire à la sienne. (Section V, 326-327.)
Sous tous ses aspects, en ses tendances comme en ses œuvres, l’homme est plein de contrariétés : et ces contrariétés se ramènent à celle de la grandeur et de la bassesse. Il y a en l’homme une capacité naturelle de bien, de vérité, de bonheur ; mais cette capacité est comme vide et se laisse remplir par des objets qui y répugnent. Et si opposées que soient entre elles cette grandeur et cette bassesse, au point qu’elles ont pu porter à croire que nous avions deux âmes, elles sont pourtant liées entre elles, en ce qu’elles se mesurent l’une par l’autre. L’homme ne se sentirait pas misérable, s’il ne se savait pas né pour des fins plus hautes que celles qu’il remplit : « Il connaît qu’il est misérable ; il est donc misérable, puisqu’il l’est ; mais il est bien grand puisqu’il le connaît. » Dès lors ne peut être vraie pour l’explication et la direction de l’homme qu’une doctrine des deux contraires et de leur rapport : toute doctrine qui unifie notre nature, qui la simplifie en un seul sens, ou qui encore, reconnaissant en elle des éléments disparates, les laisse uniquement en présence et comme juxtaposés n’est pas une doctrine de vérité et de vie.
Par là apparaît l’insuffisance des doctrines proprement philosophiques. Dans son entretien avec M. de Sacy qui esquisse déjà en quelque manière l’Apologie, Pascal ramène à deux les doctrines qui méritent considération : ou la doctrine selon laquelle il y a un Dieu, en qui est le souverain bien, ou la doctrine qui déclare Dieu incertain et le souverain bien avec lui : la première est celle d’Épictète ; la seconde celle de Montaigne. Épictète a bien connu les devoirs de l’homme, quand il lui a demandé de regarder Dieu comme son principal objet et de se soumettre sans murmurer à la Providence divine ; mais, en lui attribuant la puissance de régler par lui seul ses idées et d’acquérir par là toutes