nouvelle en physique, et que l’on s’en remet à l’autorité pour décider de faits que nous pouvons observer. Ainsi on change la théologie qui doit rester immuable, on arrête la science qui doit toujours s’étendre.
Que la science en effet doive toujours s’étendre, c’est ce qui résulte du caractère propre de la raison humaine : elle n’est pas, comme l’instinct des animaux, enchaînée à un état égal et à des procédés toujours les mêmes : l’animal est limité à ce qu’il fait ; l’homme « n’est produit que pour l’infinité ». Il acquiert au cours de sa vie des connaissances toujours nouvelles, il conserve celles qu’il a acquises, il transmet à ses descendants celles qu’il a conservées, « de sorte que toute la suite des hommes pendant le cours de tant de siècles doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement ». Formule saisissante pour représenter le progrès de l’humanité. Mais remarquons-le : Pascal ne conçoit ce progrès que dans l’ordre des connaissances, et il ne l’étend pas à la vie morale ; il ne le considère pas comme s’accomplissant de lui-même, mais comme lié à une série de recherches et d’observations, c’est-à-dire d’efforts ; enfin il l’interprète de façon à rendre justice aux théories des anciens, au lieu de les discréditer absolument. Les anciens sont pour nous ce que nous serons pour nos descendants. C’est grâce à eux que nous pouvons aller plus loin qu’eux.
Selon cette vue, ce ne sont pas les anciens qui ont l’autorité de l’âge : « ceux que nous appelons anciens étaient véritablement nouveaux en toutes choses, et formaient l’enfance des hommes proprement ; et comme nous avons joint à leurs connaissances l’expérience des siècles qui les ont suivis, c’est en nous que l’on peut trouver cette antiquité que nous révérons dans les autres. » Si les savants d’autrefois n’ont pas pu trouver toutes les vérités que nous possédons, c’est qu’ils n’avaient pu faire toutes les observations dont nous disposons : « Ils ont plutôt manqué du bonheur de l’expérience que de la force du raisonnement. »