toute donnée, comme si l’essentiel n’était pas le passage d’une notion à une autre selon une loi régulière de génération.
Tout autre est la déduction dont Descartes analyse et justifie l’emploi d’après les modèles que lui en fournissent dès maintenant les mathématiques. Cette déduction-là se rapproche à la fois et se distingue de l’intuition qui est l’opération fondamentale de l’intelligence. L’intelligence ne comprend que si elle voit, que si elle voit avec son regard pur, qui n’est pas le regard des sens, ni de l’imagination. Or elle ne peut voir tout d’abord que ce qui, se laissant saisir par un acte en quelque sorte unique et instantané, répond parfaitement aux conditions de cet acte, que ce qui est simple. Et de plus le simple est tel que, excluant toute composition et toute confusion, il ne peut être, quand il est connu, qu’entièrement connu. Si bien que l’intuition de l’intelligence est infaillible. Le secret de la méthode consiste à atteindre en toute recherche ces objets immédiats et indivisibles qui sont, selon les expressions de Descartes, des absolus ou des « natures simples » ; mais il consiste aussi à y rattacher les vérités qui ne sont pas évidentes du premier coup. C’est par la déduction que ce rattachement s’opère. Nous savons bien que le dernier anneau d’une chaîne tient au premier, — bien que nous ne puissions embrasser dès le premier moment et d’un seul coup d’œil tous les anneaux qui les unissent, — pourvu que nous ayons suivi ces anneaux un à un et que nous nous rappelions bien que, depuis le premier jusqu’au dernier, chaque anneau tient à celui qui précède et à celui qui suit. Mais pour que la déduction produise au jour des vérités qui ne sont pas immédiatement évidentes, il faut qu’elle trouve dans les notions simples que saisit l’intuition sa donnée initiale et l’idée du rapport qui peut féconder cette donnée et en multiplier les conséquences : et en effet les notions simples comprennent aussi bien des idées de rapports que des idées d’objets