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LA PHILOSOPHIE FRANÇAISE

aux autres, aux opprimés pour moins souffrir, aux oppresseurs pour assurer leur tyrannie, le désir d’en finir ; et c’est ainsi qu’entre les uns et les autres se conclut une convention selon laquelle il y aura des lois pour assurer à chacun la possession de ce qui lui appartient. Voilà comment s’établit l’État : par le mensonge et au profit des riches. L’établissement d’un État entraîne inévitablement la formation d’autres États ; si dans chaque État des lois règnent destinées à maintenir la paix, il n’en est pas ainsi dans l’ensemble des États qui ne cessent de s’opposer les uns aux autres par des guerres violentes et dont les rapports réciproques sont à peine tempérés par quelques conventions admises sous le nom de Droit des gens. En tout cas les diverses sortes de gouvernements et leurs diverses révolutions ne font que marquer un progrès de l’inégalité : par l’établissement de la propriété est consacrée l’inégalité du riche et du pauvre ; par l’établissement des magistrats est consacrée l’inégalité du puissant et du faible ; par l’établissement du pouvoir arbitraire, l’inégalité du maître et de l’esclave ; à ce dernier terme l’égalité primitive se retrouve sous la forme monstrueuse de la servitude commune : mais, appuyé sur la seule force, le despotisme trouve pour l’abattre la force de l’émeute.

Voilà donc comment l’inégalité, presque nulle dans l’état de nature, tire sa force et son accroissement du développement de nos facultés et des progrès de l’esprit humain, et devient stable et légitime par l’établissement de la propriété et des lois. Or l’homme sociable s’est lui-même condamné au malheur et au vice : toujours hors de lui, il ne sait vivre que dans l’opinion des autres, comme il ne sait vivre que par son attache avec les autres ; il renonce à être pour paraître. L’homme naturel, le sauvage, vit en lui-même, se suffit à lui-même, est content de lui-même.

Par ces vues, Rousseau s’oppose aux philosophes qui voient en général dans la raison la faculté maî-