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LA PHILOSOPHIE FRANÇAISE

a créé par bonté : cette formule n’est acceptable que pour signifier que Dieu a créé, sans avoir besoin de créer, mais elle est inexacte en ce sens qu’elle paraît mettre dans la créature la fin de l’action divine ; or « c’est humaniser la Divinité que de chercher hors d’elle le motif et la fin de son action. » (Entretiens sur la Métaphysique, IX, iii.) Dieu n’a pu créer le monde que pour lui ; un Dieu ne peut vouloir que par sa propre volonté, et sa volonté n’est que l’amour qu’il se porte à lui-même. S’il crée le monde, c’est donc pour sa gloire, c’est-à-dire pour se complaire dans un ouvrage qui lui représente ses propres perfections ; mais l’univers, quelque parfait qu’on le suppose, tant qu’il est fini reste indigne d’une action qui a un prix infini. Cette difficulté ne se peut lever, selon Malebranche, que si l’on admet, comme la Religion nous en fait un devoir, que l’univers créé par Dieu est sanctifié par Jésus-Christ. L’idée de l’Incarnation, conçue sans rapport exclusif avec l’idée même de la chute, apparaît à Malebranche comme l’idée sans laquelle on ne pourrait expliquer ni la perfection que doit avoir le monde pour être à Dieu un sujet de gloire, ni les marques de dépendance qu’il doit offrir pour ne point sembler être un ouvrage nécessaire et éternel, (Entretiens sur la Métaphysique, IX, v-viii ; XIV, vi-xii ; Conversations chrétiennes, III, IV et V. — Traité de la Nature et de la Grâce, Discours I ; et Éclaircissements, II et III.)

Cet ouvrage n’en doit pas moins être le plus beau, le plus parfait qui se puisse. Mais l’est-il véritablement, quand on constate dans le monde tant de désordres, tant de monstres, tant d’impies ? Pourquoi Dieu a-t-il voulu, ou même simplement permis tout ce dérèglement ? On ne s’arrête à des objections de ce genre que parce que l’on oublie la moitié du principe d’après lequel on doit estimer l’action de Dieu. Ce n’est pas seulement l’ouvrage en lui-même qui doit répondre aux perfections divines, ce sont aussi les