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de profiter de la vivante évolution des idées qu’éclaire peu à peu l’expérience collective des nouvelles générations. En citant quelques-unes des réflexions qu’il nous confiait, principalement de 1914 à 1916, nous comprenons mieux encore combien aujourd’hui sa perspicacité de philosophe, sa conscience d’homme l’auraient impérieusement porté à discerner les causes dans les effets et à dégager les vérités essentielles dans la confusion même des idéologies et des attitudes en conflit. Aussi devons-nous estimer qu’en publiant cette savante ébauche, d’une exactitude, d’une impartialité si sereines, nous sommes fidèles aux intentions de celui qui cherchait toujours dans la vérité lucidement approfondie le principe de ses jugements et de ses actions.

1. Au premier abord, cet exposé dense et vigoureux ressemble à une belle épure où toutes les lignes sont tracées avec une claire et ferme cohérence. Il semble que leur auteur, devant cette polyphonie des grands métaphysiciens allemands, où les dissonances paraissent servir à la richesse d’une harmonie totale, se borne au rôle d’auditeur et de témoin, témoin étranger à tout autre désir que celui d’une curiosité spéculativement satisfaite, témoin indifférent même à l’égard des solutions successives qui s’affirment, se combattent, se succèdent avec la fécondité d’une dialectique toujours renaissante à travers ses victoires et ses ruines.

Devant cette analyse, admirable de précision, de richesse et de pénétrante lumière, Lachelier et Darlu, de même que Boutroux, avaient pu écrire qu’on y voyait « la vie de la pensée dialectique se déployer comme le cours d’un grand