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lité ou de toute pensée, — ou que l’on se place au terme pour remonter par régression jusqu’aux éléments premiers, — c’est la même nécessité absolue que la raison découvre. Ainsi la déduction systématique est une justification du réel, génétique et rationnelle indissolublement.

Telle est donc dans la philosophie spéculative allemande la conception de la philosophie comme système. Superficiellement interprétée, cette conception a paru souvent une prétention insensée à refaire ou à faire l’œuvre de Dieu, à créer le monde, à le faire sortir tout entier de la pensée du philosophe. On a cru que la déduction recherchée par ces doctrines était comme une dérivation logique, — alors que les procédés ordinaires de la dérivation logique étaient précisément répudiés, — et l’on a été scandalisé de voir extraire de si pauvres prémisses de si riches conséquences. Mais déduction, ici, c’est justification, — et justification au nom de cette idée que, si l’esprit existe a priori, il doit avoir à ce titre un contenu, un ensemble rigoureux de déterminations développables également a priori. Si l’on affirme qu’au commencement est le Verbe ou l’esprit, c’est une affirmation qui elle aussi doit être au commencement, et ne pas dépendre de la réalisation subordonnée de la raison dans une œuvre comme la science. D’où la souveraineté en quelque sorte transcendante sur la science que s’arroge cette spéculation. En cela certes elle diffère pour une bonne part des métaphysiques modernes antérieures qui, sans renoncer à la connaissance de l’absolu ou de l’inconditionné, la liaient plus qu’elles ne l’opposaient à la mathématique ou à la science exacte de la nature, — et l’on dirait qu’elle reprend, mais avec une hardiesse réflé-