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et ne peut nous être donné qu’en tant qu’il affecte l’Âme, lorsqu’il parle d’un objet comme cause de cette affection de notre sensibilité, que signifie le mot objet ? Ce que l’entendement ajoute aux phénomènes pour en comprendre la diversité dans une conscience. Dès lors : « l’objet nous affecte », — cela signifie : « quelque chose qui est simplement pensé nous affecte », ou encore : « il est pensé comme nous affectant ». — Ainsi, dire que l’âme reçoit l’affection de l’objet, cela revient à dire, plus exactement, que l’âme se conçoit comme affectée ou susceptible d’être, — et l’on sait que la Doctrine de la Science établit que le moi se limite originairement et nécessairement, qu’il perçoit immédiatement cette limitation par le non-moi qu’il s’oppose. Ce n’est pas le dogmatisme des kantiens, c’est l’idéalisme de la Doctrine de la Science qui représente exactement la pensée de Kant. (W., L, pp. 480 et suiv.)

À coup sûr, s’il s’agissait d’une reconstitution historiquement exacte de la pensée de Kant, nous aurions des réserves à faire. Il n’est pas douteux que Kant affirme, non pas en passant, mais à maintes reprises et à divers intervalles, l’existence des choses en soi comme causes des phénomènes. Il semble avoir eu, du reste, le sentiment des difficultés qui pouvaient venir de là, et l’on en retrouve la trace dans les Lose Blätter, pp. 98, 104, 189, 190, 200-205, 209-216, 260-263.

Mais le travail de réflexion philosophique, qui s’est opéré ainsi sur le Kantisme, et qui a consisté soit à signaler la contradiction de la chose en soi avec l’esprit du système, soit à éliminer cette chose en soi, au nom de cette contradiction même, comme une affirmation simplement exotérique ou apparente, est solidaire de la constitution pro-