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par Kant, entre les choses telles qu’elles nous apparaissent et les choses telles qu’elles sont en elles-mêmes, n’est qu’une distinction provisoire, sans signification absolue. (W., I, pp. 19-20.) Sous de nombreuses formes, Fichte proclame volontiers que le mérite de Kant, c’est d’avoir débarrassé la philosophie de ce caput mortuum qui est la chose en soi, et que les kantiens qui admettent à la lettre une chose en soi affectant la sensibilité trahissent déplorablement la pensée de leur maître. C’est là une idée sur laquelle Fichte revient volontiers dans sa correspondance avec Reinhold. (Reinhold Leben, pp. 165 et suiv., 184 et suiv.) Lorsque Reinhold se fut converti à la doctrine de Fichte, Fichte le félicita d’avoir débarrassé son système de cet élément ruineux qui est la matière donnée, de lui avoir ainsi permis de faire valoir toute la vérité qu’il contient. Cependant Reinhold se demandait si, en prétendant supprimer du Kantisme la chose en soi, Fichte ne faisait pas violence à Kant et tort à sa propre originalité. Est-ce que Kant n’admet donc pas un quelque chose distinct du moi et qui existe hors du moi ? (Vermischte Schriften, 1797, II, pp. 340 et suiv.) À quoi Fichte répond dans sa lettre à Reinhold du 4 juillet 1797. Il suppose trois interprétations : ou bien Kant a admis des choses en soi agissant sur le sujet ; ou Kant les a niées ; ou Kant ne s’est pas expliqué nettement sur l’origine de la sensation externe. Fichte veut bien faire quelque crédit à la dernière interprétation, mais il rejette résolument la première et il accepte pour son compte la seconde. Kant n’a jamais indiqué qu’il fallût chercher l’origine de la sensation extérieure dans quelque chose qui fût en soi et qui existât distinct du moi ; et c’était d’ailleurs une