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conférait pas à ce principe la vertu d’éliminer, ni même de transformer essentiellement la chose en soi de Kant. Sans doute il évite de dire que les choses en soi nous affectent, qu’elles fournissent la matière de nos sensations ; cependant de la nature de la représentation il prétend déduire également l’impossibilité que les choses en soi soient représentées et la nécessité qu’elles existent. À toute représentation, prétend-il, appartient son contenu, sa matière, par opposition à sa forme, qui est conditionnée par la conscience ; or, par cette matière de la représentation, ce qui est représenté c’est ce qui sert de fondement à la représentation en dehors de la conscience, — à savoir la chose en soi. Autrement dit, dans la simple faculté de la représentation n’est pas impliqué le contenu de la représentation même ; la seule constitution de cette faculté n’est pas à même de produire un objet déterminé pour elle ; une telle production serait une création ex nihilo. L’existence des objets hors de moi est aussi certaine que l’existence de la représentation en général. (Theorie des Vorstellungsvermögens, pp. 256 sq., 299 sq.) Mais tout en maintenant la chose en soi de Kant, au moins pour le moment, il est à remarquer que Reinhold établit entre la chose en soi et le noumène, constamment confondus dans la terminologie kantienne, une distinction pénétrante. Le noumène est pour lui l’idée de la raison ; il exprime ce qui est à faire, ce qui éternellement doit être ; il est donc le contraire d’une chose. Dire que le noumène est inconnaissable ne signifie rien : comment parler de connaissable ou d’inconnaissable là où il n’y a pas un être, mais simplement la loi de tâches à remplir ? Il en est tout autrement avec les incon-