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N’a-t-il pas, par ailleurs, incliné à croire que si l’on pouvait garder la notion de la chose en soi, c’était en la dépouillant des attributs par lesquels on l’avait intellectualisée pour en trouver le type dans la volonté ? En outre, dans la Critique du jugement, il a manifesté lui-même un besoin essentiel de relier l’un à l’autre par des intermédiaires comme la beauté et la finalité ce monde de la nature et ce monde de la liberté qu’il avait d’abord distingués ; et sans doute il n’a pas voulu que cette médiation eût une autre portée que celle d’une maxime subjective de notre faculté de juger ; mais une maxime subjective, quand elle est nécessaire et bien fondée, ne tend-elle pas à se convertir en principe constitutif, et la finalité comme la beauté, au lieu d’être simplement des moyens plus ou moins extérieurs d’union, ne marquent-elles pas une pénétration de la liberté et de l’esprit au sein de la nature ? Enfin si Kant paraît s’être appliqué à distinguer les divers éléments a priori de la raison, en répétant si volontiers que le propre de la raison, c’est d’être systématique, n’engage-t-il pas à supprimer ce demi-isolement, cette demi-séparation où il a souvent laissé ces éléments, et à concevoir que la pensée absolue, c’est le système de tous les concepts déterminés d’après leurs relations internes ?

Par ces suggestions, ces pressentiments, ces virtualités de toute sorte, comme par les défauts plus ou moins réels qui appellent à interpréter ces suggestions, à éclaircir ces pressentiments, à développer ces virtualités, la doctrine de Kant n’est pas seulement une espèce de prolégomènes à la Métaphysique qu’il a écrite, mais encore à la Métaphysique qu’ont écrite ses successeurs. Certes Kant, esprit rigoureux et classique, parti