Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour comprendre le sens de cette doctrine kantienne, — et aussi de l’influence qu’elle a exercée, — il faut tâcher de comprendre la conception que Kant se fait de la raison. La raison, c’est la faculté de connaître a priori ; or si a priori ne reste pas une expression vague, c’est une expression qui doit signifier la conformité nécessaire de l’objet à connaître aux conditions de l’activité intellectuelle du sujet connaissant ; mais l’esprit humain, étant tel, cet objet doit tout d’abord lui être donné ; si l’esprit humain a de quoi comprendre l’existence, quand l’existence lui est présentée, il ne saurait l’engendrer : l’esprit humain ne fait rien être ; en revanche, il fait, si l’on peut dire, par ses lois propres la cognoscibilité de ce qui lui apparaît.

Mais, pour cette fonction même, une raison ne saurait être simplement une raison logique : une raison logique est indifférente à l’objectivité et par suite incapable de la soutenir ; une raison logique développe et éclaircit des connaissances ; elle n’en constitue pas. Une raison logique n’est pas vraiment a priori. La raison vraiment a priori, la raison transcendantale, c’est celle qui a un contenu à elle, — raison qui n’est dite formelle que par opposition à l’empirisme ; — or ce contenu propre de la raison, qu’est-il, sinon à savoir le système des conditions de la possibilité de l’objet à connaître ? Et par le même motif une raison a priori est synthétique : c’est-à-dire qu’elle est capable d’opérer la liaison entre des termes qui ne s’impliquent pas logiquement, mais qui se rapportent l’un à l’autre dans l’intuition sensible.

Pourtant cette raison, dont le sens et la fonction ont été, si l’on y prend garde, déterminés