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cieux apport d’une intelligence si lucide et si informée, d’une conscience si haute et si généreuse, ait été brusquement devancé par la mort en pleine maturité. C’est une raison de plus pour que nous attachions plus de sens et de prix à un de ces travaux préparatoires où l’auteur des études sur le spinozisme et son histoire, sur le kantisme, sa formation et son esprit, sur la seconde philosophie de Schelling, a manifesté sa pleine maîtrise de métaphysicien, d’interprète et de conducteur des forces spirituelles.

Retenons pour conclure ces trois préceptes qu’il se prescrivait à lui-même durant la terrible tourmente de 1915 : ils lui auraient sans doute paru plus justes et plus salutaires aujourd’hui qu’hier.

D’abord il s’imposait l’obligation, il nous conseillait ardemment de ne céder jamais aux indignations même les plus motivées, de garder l’empire sur nos passions même généreuses et nos sentiments même légitimes, de tendre toujours à discerner et à composer les divers aspects de la vérité plus large que nos systèmes, de ne point obéir à des préoccupations de parti, de prestige, d’intolérance.

En second lieu et pour compléter cet esprit de large et progressive compréhension mutuelle, il insistait sur le droit de garder et de féconder nos propres traditions, d’exclure les exclusivismes faussement agressifs, de maintenir en même temps l’enrichissante diversité des caractères personnels ou ethniques et la réalité d’une transcendance qui les domine, les juge, les réconcilie tous,