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transcendance pour déterminer des catastrophes sociales, politiques ou religieuses, en dépit des intentions qui « n’ont pas voulu cela ». Mais c’est que les concepts eux-mêmes, en ce qu’ils ont de plus épuré, contiennent un potentiel, résument et perpétuent un dynamisme justifiant la parole « les idées mènent le monde » sans que le monde le sache et sans que le monde se mette assez en garde contre leur spécieuse déviation.

Soyons reconnaissants à Victor Delbos de son héroïque effort de sérénité, de vérité et d’équité. Lui-même nous avouait combien il lui en avait coûté de consacrer une part si considérable de sa vie intellectuelle à l’étude de philosophes dont il admirait la puissance, mais dont il n’acceptait pas la maîtrise. C’est donc à tort qu’on lui aurait reproché de n’être qu’un spectateur des doctrines, désintéressé de leurs conclusions foncières et seulement épris de leur belle armature, ou même d’avoir été personnellement subjugué par le criticisme et l’idéalisme dont il a fait une si longue et si pénétrante étude. Précisément parce qu’il cherchait et trouvait dans l’histoire même une vie et une pensée en acte, il n’a jamais borné son regard d’historien à une rétrospection qui ne provoquât ni participation personnelle, ni invention des phases ultérieures, ni rôle actif dans le développement idéal ou positif des événements, des doctrines et des mœurs. Après ses érudites enquêtes, parvenu à sa cinquantième année, il déclarait qu’ayant désormais pris connaissance des orientations antiques, modernes et contemporaines de la philosophie qui a toujours été militante et diversement promotrice, il considérait comme un devoir de porter à son tour son propre témoignage. Combien nous avons à déplorer que ce pré-