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tion ? C’est en vertu de cet axiome indéniable : « Point d’objet sans sujet. » Il est regrettable que cet axiome, en qui se résume très exactement l’idéalisme berkeleyen, n’ait pas été expressément invoqué par Kant ; il se fût épargné ainsi bien des complications et des équivoques. (I, p. 554.) Cependant, en adoptant cette formule, Schopenhauer paraît bien se rapprocher de Fichte, qui déclarait aussi que sans le moi il n’y a pas de non-moi. Mais Fichte, au dire de Schopenhauer, restait fidèle au réalisme qu’il prétendait combattre, en admettant du sujet à l’objet une relation causale. Certes, le réalisme mettait la cause dans l’objet et l’effet dans le sujet, tandis que Fichte met la cause dans le sujet et l’effet dans l’objet. Seulement la relation causale, expression du principe de raison, ne vaut que pour l’objet ; elle ne vaut en aucun sens pour le sujet, qui reste en dehors de sa juridiction. (Die Welt, I, pp. 45-46.)

Les formes générales essentielles à tout objet peuvent se déduire entièrement du sujet lui-même, abstraction faite de l’objet : ce que, dans la langue de Kant, on traduit en disant qu’elles se trouvent a priori dans notre conscience. Schopenhauer accepte donc l’apriorisme kantien ; mais il le simplifie. — La partie de l’œuvre de Kant qui a cet égard lui paraît de beaucoup la plus solide, c’est l’Esthétique transcendantale. L’Esthétique transcendantale est une œuvre vraiment immortelle, constituée par les démonstrations les plus probantes, et riche des connaissances les plus étendues ; l’espace et le temps sont des formes a priori de l’esprit : voilà qui est bien définitivement acquis. (Die Welt, I, pp. 558 sq.) On ne peut accorder le même éloge à l’Analytique transcendantale, bien qu’elle prétende continuer la même