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tes de Delbos nous apportent des données profondément élaborées. Il nous aide à discerner le spécieux et le vrai. Il nous empêche de confondre avec les virtuosités de la dialectique les vérités nourrissantes et saines d’une pensée s’accordant avec les réalités les plus profondes de la nature et de la destinée humaines.

Il nous est bon surtout de retenir, après les critiques qu’il nous suggère, les conseils d’une sagesse positive et d’un patriotisme si humain dont il traçait dès 1915 les lignes essentielles. Après la « longue ascèse » qu’il s’était imposée pour son grand ouvrage sur Kant, il m’écrivait le 22 juin 1905 : « Délivrance ! J’ai été plus d’une fois, surtout à la fin, intérieurement irrité contre ma subordination méthodique à un homme et à une œuvre dont la puissance reste malgré tout liée à un certain esprit d’exclusion. Mais j’avais à essayer de comprendre et de faire comprendre. J’ai dû pratiquer un véritable ascétisme intellectuel… J’ai hâte de recouvrer la liberté de ma pensée ensevelie sous cet homme. »

Ce n’est donc point par un retournement suscité plus tard par l’explosion belliqueuse que ce fidèle historien dont on avait voulu faire un germanisant convaincu aboutissait au terroir aimé et fécond de la pensée française. Il ne faisait, selon sa propre parole, qu’ « y revenir avec joie et plénitude de confiance ». Après avoir exploré en leur sous-sol et en leurs sommets tant de doctrines étrangères, il ajoutait en une lettre de 1914 : « Notre œuvre la meilleure sera, sans esprit d’exclusion et d’isolement, de renouer notre tradition philosophique d’une façon plus étroite… Je crois que la pensée française a en elle assez de ressources pour se développer et se renouveler avec ses