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et à Kant et, jusqu’à ce qu’il se fût rendu maître de leur pensée, de n’étudier aucun autre, spécialement Aristote et Spinoza. (Voir Lorentz, p. 10.) Or Schulze, le professeur qui lui avait donné ce conseil, était l’auteur d’Énésidème, et tout autorise à présumer que la façon dont il interprétait et discutait le Kantisme n’a pas été sans influence sur Schopenhauer. — Schulze-Énésidème, comme nous l’avons vu, usait du Kantisme et le critiquait dans le sens du scepticisme. Sur la question du principe de causalité, il attaquait Kant pour revenir à Hume. Or, déjà là-dessus il apparaît que Schopenhauer était porté à le suivre, non pas pour méconnaître sans doute le caractère a priori du principe de causalité, mais pour frapper d’invalidité l’argument par lequel Kant prétendait l’établir. Dans la Dissertation sur la quadruple racine du principe de raison suffisante (paru en 1813 ; le Monde parut en 1819), — dans ce travail dont Schopenhauer a pu dire qu’il était une introduction nécessaire à l’intelligence de son grand ouvrage (Préface de la première édition de ce dernier, I, p. 11), — mais dont nous pouvons bien voir qu’il est loin de contenir toute sa pensée ultérieure, — c’est précisément ce qu’il fait ; — et, dans la seconde édition de cet ouvrage, il invite expressément à comparer sur ce point la critique de Schulze avec la sienne (III, p. 109). — Mais il est d’autres faits plus importants à relever. Schulze soutenait que la Critique de la Raison pure n’avait paru réfuter l’idéalisme de Berkeley que parce qu’elle l’exposait mal, et que dans ses thèses essentielles elle s’y ramenait ; car, comme la Critique, Berkeley prétend que nous ne connaissons que les phénomènes, et il n’a aucune disposition à spéculer sur les choses en soi. Scho-