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d’hui d’un régime exaltant, au nom de la supériorité de la race, la violence et l’astuce, discréditant la culture désintéressée, glorifiant le terrorisme et le déchaînement des énergies cruelles, remettant la vie et l’âme d’un grand peuple au diktat universel d’un seul maître, jaloux de son mystère d’asservissement ! Est-ce donc là que devait aboutir, est-ce de cela que devait se vanter l’idéalisme d’un Fichte dans son culte intransigeant de la personnalité morale et de l’idéal germanique de liberté ? Est-ce là ce que recélaient les hautaines inspirations de Hegel, de Schelling, du romantisme germanique, du nietzschéisme en quête d’une surhumanité héroïque ? Est-ce même ce à quoi devaient conduire l’immanentisme des néo-hégéliens, les doctrines phénoménologiques ou les philosophies existentielles ? Et comment se fait-il que l’apparente unanimité, l’unanimité forcée du silence ou de l’approbation, paraisse faire concourir tous ces mouvements de pensée à ce qui nous est donné aujourd’hui comme la pure, seule et totale expression d’une âme nationale, d’un peuple de maîtres, de l’avenir total réservé à l’humanité ?

5. Mais non ; Delbos s’est toujours gardé, il se serait toujours détourné des incriminations globales et des griefs tendancieux. Il n’a jamais douté que la raison même obnubilée, que les élans spirituels même déviés et invertis fussent incurables, finalement inaccessibles à la conversion des intelligences, aux leçons des événements, aux intimes protestations de la conscience. C’est à ce réveil des illusionnés, des chloroformés, des pervertis mêmes qu’il attachait ses espoirs par un ardent labeur. À de si amples questions les enquê-