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sujet et de l’objet ; tous les deux, implicitement ou non, posent cette identité comme but, comme postulat pratique ; c’est seulement par l’esprit de ce postulat qu’ils différent ; le système dogmatique représente la solution comme une sorte d’état absolu ; le système critique la représente comme une tâche infinie ; le premier requiert la passivité illimitée, le second l’activité illimitée du sujet (passim). Ainsi, sans doute, Schelling, dans ses premiers écrits, paraît souvent ne reproduire que la pensée de Fichte, sur le Moi comme Premier Principe, — sur l’intuition intellectuelle (Voir Philosophische Briefe, I, p. 318) ; mais il va certainement déjà au delà de cette pensée quand il tient à mettre l’objet à égalité avec le sujet et à restaurer au sein de l’idéalisme ce qu’on pourrait appeler la vérité idéale du réalisme.

Dans ses Lettres philosophiques, Schelling prétendait qu’en concevant la vérité suprême comme Substance, Spinoza dans le fond avait reconnu implicitement l’action absolue du Moi, mais qu’il n’avait pu s’empêcher de céder à cette disposition de l’intelligence humaine qui nous porte à tout représenter sous une forme objective, même ce qui répugne à cette forme (I, pp. 317 sq.). L’évolution de la pensée de Schelling l’amène au contraire à penser, de plus en plus, non seulement que le réel est plus qu’une simple apparence, qu’il est une production effective de l’esprit, mais encore que cette production du réel est en elle-même adéquate à son principe et par suite autonome, qu’il y a, corrélatif au savoir, un système de la nature se suffisant à lui-même et s’expliquant de lui-même.

Il y a une Nature a priori : telle est l’affirmation fondamentale impliquée dans la Philosophie