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son traité Von Ich als Princip der Philosophie, il annonce le désir qu’il a de construire un système qui soit le pendant de l’Éthique (Vorrede, I, p. 159). Il emprunte à Spinoza la conception des attributs en quelque sorte formels qu’implique l’Absolu ; identité pure, unité, infinité, toute-puissance, liberté, totalité de l’Être. Mais si Spinoza a eu le mérite de concevoir nettement ce que doit être le Premier Principe, il a eu le tort de le déterminer positivement comme un Non-Moi, comme une Chose. Il est contradictoire que l’Inconditionné (das Unbedingte) soit un Non-Moi, une Chose (ein Ding). L’Inconditionné est ce qui pose la condition sans la subir, ce qui fait que l’objet est déterminé et réalisé comme chose (wodurch etwas zum Ding wird), ce qui donc en soi n’est pas Chose (Voir notamment, I, pp. 179 sq.). Il n’y a que le Moi absolu qui puisse être Premier Principe, et l’on peut prétendre qu’à son insu Spinoza concevait le Non-Moi sous forme de Moi, lorsqu’il le convertissait en Premier Principe (I, pp. 171, 185). De même, dans ses Philosophische Briefe über Dogmatismus und Kriticismus (1795), Schelling combat l’interprétation banale et inexacte de ces pseudo-kantiens qui voient dans le criticisme une simple façon d’accepter, au nom de la raison pratique, ce que la raison théorique a été incapable de justifier. Dûment compris, le criticisme est une façon de mettre en évidence la possibilité de deux systèmes opposés, qui suppriment le conflit du sujet et de l’objet par la réduction de l’un à l’autre, — et ces systèmes sont l’idéalisme et le réalisme, — en même temps que la nécessité de construire le système à partir du sujet. On peut même dire, les deux systèmes ont le même problème, qui est de définir l’identité du