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Car il est des enfants qu’on pleure avec orgueil.

Rome, tes yeux sont morts à ces larmes sacrées
Dont on fait gloire en les versant ;
Les cendres de tes fils ne sont plus honorées
Par ce tribut reconnaissant.
En vain leurs nobles cœurs battaient pour la patrie.
Dans ton abaissement en vain ils t’ont chérie ;
Ces murs, dont Michel-Ange a jeté dans les cieux
Le dôme audacieux,
Réservent leurs honneurs à la puissance morte :
Pour elle des concerts, des fleurs et des flambeaux.
Et des bronzes menteurs penchés sur des tombeaux ;
Mais pour la vertu, que t’importe ?

Ainsi, courbé sous l’or du sceptre pastoral,
Ton peuple grave et fier, que ce mépris offense,
Laisse tomber son bras levé pour ta défense.
Il fléchit sous des rois, lui qui n’eut point d’égal
Quand la gloire était ton idole ;
Et l’herbe a désuni le pavé triomphal
Qui conduisait au Capitole.

En passant sur la terre où dorment tes héros,
Par les mugissements de sa voix importune
Le bœuf pesant d’Ostie insulte à leur repos,
Ou, symbole vivant de ta triste fortune,
Endormi sous le joug du char qu’il a traîné,
Courbe sa corne noire et son front enchaîné
A la place où fut la tribune.

Et c’est là qu’autrefois les publiques douleurs
Paraient l’urne des morts de gazons et de fleurs !
Vous le savez, race guerrière,
O vous ossements oubliés,
Muets débris, noble poussière,