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« Virgile pressentait que, dans ces champs déserts
« La mort viendrait s’asseoir au milieu des décombres »
« Alors qu’il les choisit pour y placer les ombres,
« Le Styx aux noirs replis, l’Averne et les Enfers.
« Contemplez ce pécheur ; voyez, voyez nos guides ;
« Interrogez les traits de ces patres livides :
« Ne croyez-vous pas voir des spectres sans tombeaux,
« Qui, laissés par Caron sur le fatal rivage,
« Tendant vers vous la main ; entr’ouvrent leurs lambeaux
« Pour mendier le prix de leur dernier passage ?… »

Il disait, et déjà j’écartais les rameaux
Qui cachaient à nos yeux l’antre de la Sibylle,
Au fond de ce cratère, où l’Averne immobile
Couvre un volcan éteint de ses dormantes eaux.
L’enfer, devant nos pas, ouvrait la bouche antique
D’où sortit pour Énée une voix prophétique ;
Un flambeau nous guidait, et ses feux incertains
Dessinaient sur les murs des larves, des fantômes,
Qui sans forme et sans vie, et fuyant sous nos mains,.
Semblaient le peuple vain de ces sombres royaumes.

« Prêtresse des dieux, lève-toi !
« Viens ! m’écriai-je alors, furieuse, écumante,
« Le front pâle, et les yeux troublés d’un saint effroi,
« Pleine du dieu qui te tourmente,
« Viens, viens, Sibylle, et réponds-moi !

« Vers les demeures infernales,
« Dis-moi pourquoi la mort pousse comme un troupeau
« Cette foule d’ombres royales,
« Que nous voyons passer de la pourpre au tombeau ?
« Est-ce pour insulter à l’alliance vaine
« Que Waterloo scella de notre sang ?
« Veut-elle, à chaque roi qu’elle heurte en passant,
« Briser un des anneaux de cette vaste chaîne ?