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Ses enfants opprimés s’arment, au cri de guerre,
Du soc dont le tranchant sillonna leurs guérets,
Et du fer créateur qui dans leurs mains naguère
Transformait en cités de sauvages forêts.

Ils ont crié victoire ; ils montrent Washington,
Et Colomb reconnaît le héros véritable.
O vieux Cincinnatus, inflexible Caton,
Votre antique vertu n’est donc pas une fable !
Il a fait concevoir à nos cœurs corrompus
Cette étrange grandeur qu’ils ne comprenaient plus.
Un sage auprès de lui dans le conseil prend place,
Et, non moins révéré sous des traits différents,
Il gouverne, il découvre, et par sa double audace
Ravit la foudre aux cieux et le sceptre aux tyrans.

Mais pourquoi ce concours, ces transports, ces clameurs ?
Quel monarque ou quel dieu sur ce bord va descendre ?
Un guerrier citoyen foule, en versant des pleurs,
Le sol républicain que jeune il vint défendre.
De respect et d’amour il marche environné ;
Aux genoux d’un seul homme un peuple est prosterné ;
Mais l’hôte bien-aimé, debout sur ce rivage,
Pour la liberté sainte a toujours combattu,
Et le peuple incliné dont il reçoit l’hommage
Ne s’est jamais courbé que devant la vertu.

Oh ! combien cet empire a pris un noble essor
Depuis les jours sanglants de sa virile enfance !
Quel avenir l’attend et se révèle encor
Dans la maturité de son adolescence !
Ne cherchant de lauriers que ceux qu’il doit cueillir,
Incorruptible et juste, il grandit sans vieillir,
Se joue avec les mers qu’il couvre de ses voiles,
Et montre, en souriant, aux léopards bannis,
Son pavillon, d’azur, où deux fois douze étoiles