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Où va-t-il, ce vainqueur que l’Italie admire ?
Il va du bruit de ses exploits
Réveiller les échos de Thèbe et de Palmire.
Il revient ; tout tremble à sa voix ;
Républicains trompés, courbez-vous sous l’empire !
Le midi de sa gloire alors le couronna
Des rayons d’Austerlitz, de Wagram, d’Iéna.
Esclaves et tyrans, sa gloire était la nôtre,
Et d’un de ses deux bras, qui nous donna des fers,
Appuyé sur la France, il enchaînait de l’autre
Ce qui restait de l’univers.

Non, rien n’ébranlera cette vaste puissance !…
L’île d’Elbe à mes yeux se montre et me répond :
C’est là qu’il languissait, l’œil tourné vers la France.
Mais un brick fend ces mers : « Courbez-vous sur le pont !
« A genoux ! le jour vient d’éclore ;
« Couchez-vous sur cette arme inutile aujourd’hui !
« Cachez ce lambeau tricolore… »
C’est sa voix : il aborde, et la France est à lui.

Il la joue, il la perd ; l’Europe est satisfaite,
Et l’aigle, qui, tombant aux pieds du léopard,
Change en grand capitaine un héros de hasard,
Illustre aussi vingt rois, dont la gloire muette
N’eut jamais retenti dans la postérité ;
Et d’une part dans sa défaite,
Il fait à chacun d’eux une immortalité.

Il n’a régné qu’un jour ; mais à travers l’orage
Il versait tant d’éclat sur son peuple séduit,
Que le jour qui suivit son rapide passage,
Terne et décoloré, ressemblait à la nuit.

La Liberté parut : son flambeau tutélaire,
Brûlant d’un feu nouveau, nous guide et nous éclaire.