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Adieu, Marseille, adieu ! Je vois blanchir tes forts.
Puisses-tu féconder, par de constants efforts,
Les germes de vertu, de valeur, de génie,
Dont les Grecs tes aïeux vinrent semer tes bords.
Que la mer te soit douce, et que le ciel prospère
Regarde avec amour tes opulents remparts !
O fille de la Grèce, encore adieu, je pars ;
Sois plus heureuse que ta mère !

Je les brave, tes flots, je ris de leur courroux :
J’aime à sentir dans l’air leur mordante amertume ;
Ils viennent, et de loin soulevant leur écume,
A la proue élancés, ils bondissent vers nous.
Mais, tels que des lions dont la fureur avide
Sous une main connue expire en rugissant,
Je les vois caresser le voile blanchissant
De la Madone qui nous guide,
Lorsque son bras doré, sur leur dos s’abaissant,
Joue avec leur crinière humide.

Courage, mon vaisseau ! double ce cap lointain ;
Penche-toi sur les mers ; que le beaupré s’incline
Sous le foc déployé qui s’enfle et le domine.
Mais ce cap, c’est la France ; elle aura fui demain…
Je l’entends demander d’une voix douce et fière,
Sur quels bords, dans quels champs en lauriers plus féconds,
Ma muse va chercher des débris et des noms,
Et des siècles passés évoquer la poussière ?

Elle étale au midi ses monuments romains,
Les colonnades de ses bains,
De ses cirques déserts la ruine éloquente,
Ce temple sans rival, dont la main d’Apollon,
Sur des appuis de marbre et des feuilles d’acanthe,
Suspendit l’élégant fronton ;