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La Grèce morte !… Arrête, et regarde ses yeux :
Leur paupière long-temps fermée
Se rouvre à la clarté des cieux.
Regarde, elle s’anime ; écoute, sous ses chaînes
Son corps frémit et s’est dressé.
Ce pur sang, que le fer a tant de fois versé,
Pour se répandre encor bouillonne dans ses veines ;
Son front qui reprend sa fierté,
Pâle d’un long trépas, menace et se relève ;
Son bras s’alonge et cherche un glaive ;
Elle vit, elle parle, elle a dit : Liberté !

Morte, tu l’admirais ; vivante, qu’elle est belle !
Tu ne peux résister à son cri qui t’appelle.
Tu cours, tu la revois, mais c’est en expirant.
Oh ! Qui pourrait des grecs retracer les alarmes,
Les vœux, les chants de deuil mêlés au bruit des armes ?
Autour de la croix sainte, aux pieds des monts errant,
Le peuple confondait, dans l’ardeur de son zèle,
Son antique croyance avec sa foi nouvelle,
Invoquait tous ses dieux, et criait en pleurant :

« Vent qui donnes la vie à des fleurs immortelles,
Toi, par qui le laurier vieillit sans se flétrir ;
Vent qui souffles du Pinde, accours, étends tes ailes ;
Ton plus beau laurier va mourir !

« Flots purs, où s’abreuvait la poésie antique,
Childe-Harold sur vos bords revient pour succomber ;
Versez votre rosée à ce front héroïque
Que la mort seule a pu courber.

« Dieux rivaux, de nos pleurs séchez la source amère :
Dieu vainqueur de Satan, dieu vainqueur de Python,
Renouvelez pour lui les jours nombreux d’Homère
Et la vieillesse de Milton ! »