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Sois immortel : tu fus toi-même.
Il brille d’un éclat que rien ne peut ternir,
Ce tableau de la Grèce au cercueil descendue,
Qui n’a plus de vivant que le grand souvenir
De sa gloire à jamais perdue.

Contemplez une femme, avant que le linceuil[1]
En tombant sur son front brise votre espérance
Le jour de son trépas, ce premier jour du deuil
Où le danger finit, où le néant commence :
Quelle triste douceur ! Quel charme attendrissant !
Que de mélancolie, et pourtant que de grâce
Dans ces lèvres sans vie où la pâleur descend !
Comme votre œil avide admire en frémissant
Le calme de ses traits dont la forme s’efface,
La morne volupté de son sein pâlissant !
Du corps inanimé l’aspect glace votre âme :
Pour vous-même attendri, vous lisez vos destins
Dans l’immobilité de ses beaux yeux éteints.
Ils ont séduit, pleuré, lancé des traits de flamme,
Et les voilà sans feux, sans larmes, sans regard !
Pour qu’il vous reste un doute, il est déjà trop tard ;
Mais l’espoir un moment suspendit votre crainte,
Tant sa tête repose avec sérénité !
Tant la main de la mort s’est doucement empreinte
Sur ce paisible front par elle respecté,
Où la vie en fuyant a laissé la beauté !

C’est la Grèce, as-tu dit, c’est la Grèce opprimée ;
La Grèce belle encor, mais froide, inanimée ;

  1. Tout le monde connaît ces beaux vers de lord Byron :
    He who hath bent him o’er the dead
    Ere the first day the death is fled,
    The first dark day of noth’ngness
    The last of danger and distress…..etc