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S’élevaient du fond des tombeaux.

Une nuit, c’était l’heure où les songes funèbres
Apportent aux vivants les leçons du cercueil ;
Où le second Brutus vit son génie en deuil
Se dresser devant lui dans l’horreur des ténèbres ;
Où Richard, tourmenté d’un sommeil sans repos,
Vit les mânes vengeurs de sa famille entière,
Rangés autour de ses drapeaux,
Le maudire et crier : voilà ta nuit dernière !

Napoléon veillait, seul et silencieux :
La fatigue inclinait cette tête puissante
Sur la carte immobile où s’attachaient ses yeux ;
Trois guerrières, trois sœurs parurent sous sa tente.

Pauvre et sans ornements, belle de ses hauts faits,
La première semblait une vierge romaine
Le front ceint d’un rameau de chêne,
Elle appuyait son bras sur un drapeau français.
Il rappelait un jour d’éternelle mémoire ;
Trois couleurs rayonnaient sur ses lambeaux sacrés
Par la foudre noircis, poudreux et déchirés,
Mais déchirés par la Victoire.

« Je t’ai connu soldat ; salut : te voilà roi.
De Marengo la terrible journée
Dans tes fastes, dit-elle, a pris place après moi ;
Salut ; je suis sa sœur aînée.

« Je te guidais au premier rang ;
Je protégeai ta course et dictai la parole
Qui ranima des tiens le courage expirant,
Lorsque la mort te vit si grand,
Qu’elle te respecta sous les foudres d’Arcole.