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Qu’ils ont d’un art divin profané les miracles,
En illustrant le vice, en consacrant l’erreur,
À leur bouche vénale Apollon en fureur
A ravi le don des oracles.

Condamne-toi, ma muse, à de stériles vœux :
Mais refuse tes chants aux oppresseurs heureux.
Que de la vérité tes vers soient les esclaves ;
De ses chastes faveurs faisons nos seuls amours ;
Sans orgueil préférons toujours
Une pauvreté libre à de riches entraves ;
Et si quelque mortel justement respecté
Entend frémir pour lui les cordes de ma lyre,
Ô ma muse ! Qu’il puisse dire :
« S’il ne m’admirait pas, il ne m’eût pas chanté ! »



V

Le Voyageur


 
« Tu nous rends nos derniers signaux ;
Le long du bord le câble crie ;
L’ancre s’élève et sort des eaux ;
La voile s’ouvre ; adieu, patrie !

« Des flots l’un par l’autre heurtés
Je vois fuir les cimes mouvantes,
Comme les flocons argentés
Des toisons sur nos monts errantes.

« Je vois se dérouler les nœuds
Qui mesurent l’humide plaine,