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Et sans rame, et sans guide, errait comme au hasard ;
Elle resta muette et disparut dans l’ombre.

La nuit fut orageuse. Aux premiers feux du jour,
Du golfe avec terreur mesurant l’étendue,
Un vieillard attendait, seul, au pied de la tour.
Sous des flocons d’écume un luth frappe sa vue,
Un luth qu’un plomb mortel semble avoir traversé,
Qui n’a plus qu’une corde à demi détendue,
Humide et rouge encor d’un sang presque effacé.
Il court vers ce débris, il se baisse, il le touche…
D’un frisson douloureux soudain son corps frémit ;
Sur les tours de Coron il jette un œil farouche !
Veut crier… La menace expire dans sa bouche ;
Il tremble à leur aspect, se détourne et gémit.

Mais du poids qui l’oppresse enfin son cœur se lasse ;
Il fuit des yeux cruels qui gênent ses douleurs ;
Et regardant les cieux, seul témoin de ses pleurs,
Le long des flots bruyants il murmure à voix basse :
« Je t’attendais hier, je t’attendis long-temps ;
tu ne reviendras plus, et c’est toi qui m’attends ! »



II

Parthénope et l’Étrangère


À M. Pouqueville


 
Ô femme, que veux-tu ? — Parthénope, un asile.
— Quel est ton crime ? — Aucun. — Qu’as-tu fait ? — Des ingrats.
— Quels sont tes ennemis ? — Ceux qu’affranchit mon bras ;
Hier on m’adorait, aujourd’hui l’on m’exile.
— Comment dois-tu payer mon hospitalité ?
— Par des périls d’un jour et des lois éternelles.