Page:Delavigne - Œuvres complètes, volume 4, Didot, 1881.djvu/36

Cette page n’a pas encore été corrigée

Quand l’alcyon gémit, au milieu des tempêtes :

« Beaux lieux, où je n’ose m’asseoir,
Pour vous chanter dans ma nacelle
Au bruit des vagues, chaque soir,
J’accorde ma lyre fidèle ;
Et je pleure sur nos revers,
Comme les hébreux dans les fers,
Quand Sion descendit du trône,
Pleuraient au pied des saules verts
Près les fleuves de Babylone.
Mais dans les fers, seigneur, ils pouvaient t’adorer ;
Du tombeau de leur père ils parlaient sans alarmes ;
Souffrant ensemble, ensemble ils pouvaient espérer :
Il leur était permis de confondre leurs larmes :
Et je m’exile pour pleurer.

« Le ministre de ta colère
Prive la veuve et l’orphelin
Du dernier vêtement de lin
Qui sert de voile à leur misère.
De leurs mains il reprend encor,
Comme un vol fait à son trésor,
Un épi glané dans nos plaines ;
Et nous ne buvons qu’à prix d’or
L’eau qui coule de nos fontaines.

« De l’or ! Ils l’ont ravi sur nos autels en deuil ;
Ils ont brisé des morts la pierre sépulcrale,
Et de la jeune épouse écartant le linceuil,
Arraché de son doigt la bague nuptiale,
Qu’elle emporta dans le cercueil.

« Ô nature, ta voix si chère
S’éteint dans l’horreur du danger ;