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IV

La Vie de Jeanne d’Arc


 
Un jour que l’océan gonflé par la tempête,
Réunissant les eaux de ses fleuves divers,
Fier de tout envahir, marchait à la conquête
De ce vaste univers ;

Une voix s’éleva du milieu des orages,
Et Dieu, de tant d’audace invisible témoin,
Dit aux flots étonnés : « Mourez sur ces rivages,
Vous n’irez pas plus loin. »

Ainsi, quand, tourmentés d’une impuissante rage,
Les soldats de Bedfort, grossis par leurs succès,
Menaçaient d’un prochain naufrage
Le royaume et le nom français ;
Une femme, arrêtant ces bandes formidables,
Se montra dans nos champs de leur foule inondés ;
Et ce torrent vainqueur expira dans les sables
Que naguère il couvrait de ses flots débordés.

Une femme paraît, une vierge, un héros :
Elle arrache son maître aux langueurs du repos.
La France qui gémit se réveille avec peine,
Voit son trône abattu, voit ses champs dévastés,
Se lève en secouant sa chaîne,
Et rassemble à ce bruit ses enfants irrités.

Qui t’inspira, jeune et faible bergère,
D’abandonner la houlette légère
Et les tissus commencés par ta main ?
Ta sainte ardeur n’a pas été trompée ;