Page:Delavigne - Œuvres complètes, volume 4, Didot, 1881.djvu/23

Cette page n’a pas encore été corrigée

Poussa la liberté jusqu’au mépris des lois,
Et la raison jusqu’au délire.

Bientôt au premier rang porté par ses exploits,
Un roi nouveau brisa d’un sceptre despotique
Les faisceaux de la république,
Tout dégouttants du sang des rois.

Pour affermir son trône, il lassa la victoire,
D’un peuple généreux prodigua la valeur ;
L’Europe qu’il bravait a fléchi sous sa gloire :
Elle insulte à notre malheur.
C’est qu’ils ne vivent plus que dans notre mémoire
Ces guerriers dont le nord a moissonné la fleur.
O désastre ! O pitié ! Jour à jamais célèbre,
Où ce cri s’éleva dans la patrie en deuil :
Ils sont morts, et Moscou fut le flambeau funèbre
Qui prêta ses clartés à leur vaste cercueil.

Ces règnes d’un moment, et les chutes soudaines
De ces trônes d’un jour l’un sur l’autre croulants,
Ont laissé des levains de discorde et de haines
Dans nos esprits plus turbulents.

Cessant de comprimer la fièvre qui l’agite,
Le fier républicain, sourd aux leçons du temps,
Appelle avec fureur, dans ses rêves ardents,
Une liberté sans limite ;
Mais cette liberté fut féconde en forfaits :
Cet océan trompeur, qui n’a point de rivages,
N’est connu jusqu’à nous que par de grands naufrages
Dans les annales des Français.

« Que nos maux, direz-vous, nous soient du moins utiles :
Opposons une digue aux tempêtes civiles ;
Que deux pouvoirs rivaux, l’un émané des rois,