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Je crois entendre encor les clameurs des soldats
Entraînant la jeune immortelle :
Le fer a mutilé ses membres délicats ;
Hélas, elle semblait et plus chaste et plus belle,
Cacher sa honte entre leurs bras.
Dans un fort pris d’assaut, telle une vierge en larmes,
Aux yeux des forcenés dont l’insolente ardeur
Déchira les tissus qui dérobaient ses charmes,
Se voile encor de sa pudeur.

Adieu, débris fameux de Grèce et d’Ausonie,
Et vous, tableaux errants de climats en climats ;
Adieu, Corrége, Albane, immortel Phidias !
Adieu, les arts et le génie !

Noble France, pardonne ! A tes pompeux travaux,
Aux Pujet, aux Lebrun, ma douleur fait injure.
David a ramené son siècle à la nature :
Parmi ses nourrissons il compte des rivaux…
Laissons-la s’élever cette école nouvelle !
Le laurier de David de lauriers entouré,
Fier de ses rejetons, enfante un bois sacré
Qui protége les arts de son ombre éternelle.

Le marbre animé parle aux yeux :
Une autre Vénus plus féconde,
Près d’Hercule victorieux,
Étend son flambeau sur le monde.
Ajax, de son pied furieux,
Insulte au flot qui se retire ;
L’œil superbe, un bras dans les cieux,
Il s’élance, et je l’entends dire :
« J’échapperai malgré les dieux. »

Mais quels monceaux de morts ! Que de spectres livides !
Ils tombent dans Jaffa ces vieux soldats français