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Et laisse après soi dans la plaine
Du sang, des débris et des morts.

Parmi des tourbillons de flamme et de fumée,
Ô douleur, quel spectacle à mes yeux vient s’offrir ?
Le bataillon sacré, seul devant une armée,
S’arrête pour mourir.
C’est en vain que, surpris d’une vertu si rare,
Les vainqueurs dans leurs mains retiennent le trépas.
Fier de le conquérir, il court, il s’en empare :
La garde, avait-il dit, meurt et ne se rend pas.

On dit qu’en les voyant couchés sur la poussière,
D’un respect douloureux frappé par tant d’exploits,
L’ennemi, l’œil fixé sur leur face guerrière,
Les regarda sans peur pour la première fois.

Les voilà ces héros si long-temps invincibles !
Ils menacent encor les vainqueurs étonnés !
Glacés par le trépas, que leurs yeux sont terribles !
Que de hauts faits écrits sur leurs fronts sillonnés !
Ils ont bravé les feux du soleil d’Italie,
De la castille ils ont franchi les monts ;
Et le nord les a vus marcher sur les glaçons
Dont l’éternel rempart protége la Russie.
Ils avaient tout dompté… Le destin des combats
Leur devait, après tant de gloire,
Ce qu’aux français naguère il ne refusait pas :
Le bonheur de mourir dans un jour de victoire.

Ah ! Ne les pleurons pas ! Sur leurs fronts triomphants
La palme de l’honneur n’a pas été flétrie ;
Pleurons sur nous, français, pleurons sur la patrie :
L’orgueil et l’intérêt divisent ses enfants.
Quel siècle en trahisons fut jamais plus fertile ?
L’amour du bien commun de tous les cœurs s’exile :