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Au Havre.

 
Le voilà, ce vieux môle où j’errai si souvent !
Ainsi grondaient alors les rafales du vent,
Quand aux pâles clartés des fanaux de la Hève
Si tristes à minuit,
Le flux, en s’abattant pour envahir la grève,
Blanchissait dans la nuit.

Au souffle du matin qui déchirait la brume,
Ainsi sur mes cheveux volait la fraîche écume ;
Et quand à leur zénith les feux d’un jour d’été
Inondaient les dalles brûlantes,
Ainsi, dans sa splendeur et dans sa majesté,
La mer sous leurs rayons roulait l’immensité
De ses houles étincelantes.

Mais là, mais toujours là, hormis si l’ouragan
Des flots qu’il balayait restait le seul tyran,
Toujours là, devant moi, ces voiles ennemies
Que la Tamise avait vomies
Pour nous barrer notre Océan !

Alors j’étais enfant, et toutefois mon âme
Bondissait dans mon sein d’un généreux courroux,
Je sentais de la haine y fermenter la flamme :
Enfant, j’aimais la France et d’un amour jaloux.
J’aimais du port natal l’appareil militaire ;
J’aimais les noirs canons, gardiens de ses abords ;
J’aimais la grande voix que prêtaient à nos bords
Ces vieux mortiers d’airain sous qui tremblait la terre ;
Enfant, j’aimais la France : aimer la France alors,
C’était détester l’Angleterre !