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Son chef dans la poussière en vain roule expirant,
Il saisit la victime, il l’enlève, il l’emporte,
Il s’élance, il triomphe, il entre… Quel tableau !
Dieu juste ! la voilà victorieuse et morte,
Sur le trône de son bourreau !

Allez, volez, tombez dans la Seine écumante,
D’un pouvoir parricide emblèmes abolis.
Allez, chiffres brisés ; allez, pourpre fumante ;
Allez, drapeaux déchus, que le meurtre a salis !
Dépouilles des vaincus, par le fleuve entraînées,
Dépouilles des martyrs que je pleure aujourd’hui,
Allez, et sur les flots, à Saint-Cloud, portez-lui
Le bulletin des trois journées !

Victoire ! embrassons-nous. — Tu vis ! — Je te revoi !
— Le fer de l’étranger m’épargna comme toi.
— Quel triomphe ! en trois jours. —Honneur à ton coura
— Gloire au tien ! — C’est ton nom qu’on cite le premier.
— N’en citons qu’un. — Lequel ? — Celui du peuple entier.
Hier qu’il était brave ! aujourd’hui qu’il est sage !
— Du trépas, en mourant, un d’eux m’a préservé.
— Mais ton sang coule encor.—Ma blessure est légère.
— Et ton frère ? — Il n’est plus. — L’assassin de ton frère,
Tu l’as puni ? — Je l’ai sauvé.

Ah ! qu’on respire avec délices,
Et qu’il est enivrant, l’air de la liberté !
Comment regarder sans fierté
Ces murs couverts de cicatrices,
Ces drapeaux qu’à l’exil redemandaient nos pleurs,
Et dont nous revoyons les glorieux symboles
Voltiger, s’enlacer, courber leurs trois couleurs
Sur ces nobles enfants, l’orgueil de nos écoles !
Des fleurs à pleines mains, des fleurs pour ces guerriers !
Jetez-leur au hasard des couronnes civiques :